Numéro 3057 (11-17 décembre 2003) de

Tribune libre

Pasteur et paroissien

 

Christian de
MITTELWIHR

 

 

 

 

 

 

© Réforme


Là où les professions ont été plusieurs fois remises sur le « métier » au cours des derniers vingt ans, il est incroyable d’apprendre que celle de pasteur y a échappé
Depuis ces derniers vingt ans, paroissiens et pasteurs n’ont pas évolué ensemble : les premiers ont été soumis à une modernité fulgurante avec bouleversements des valeurs, annonçant un siècle nouveau, et obligés de s’y adapter ; les seconds sont restés ancrés dans une fonction pastorale traditionnelle avec une paroisse vieillissante, et n’ont pas vraiment intégré les changements fondamentaux de la société, qui ont provoqué une révolution dans la vie quotidienne et dans les habitudes au-delà même de notre imagination.

« La structure paroissiale n’a pas été repensée »

De même, la structure paroissiale n’a pas été repensée en fonction de ces transformations portant notamment sur le temps de travail, la communication, les loisirs, l’accroissement des connaissances... et les statuts qui la régissent s’avèrent d’un autre siècle, avec la cooptation l’emportant sur la démocratie évangélique. On peut se demander si la situation actuelle du pasteur n’est pas tout simplement la partie visible de la réforme et de la mutation à entreprendre. Néanmoins, plusieurs facteurs sont risques d’atermoiement : le vieillissement de la population poussant au conservatisme, le repli identitaire pouvant aller vers l’intégrisme et le bénévolat paroissial resté traditionnel. La transmission des valeurs et de la culture chrétienne a radicalement changé, ce qui oblige à repenser l'organisation des communautés et structures ecclésiales, notamment en laissant à des professionnels (même s'ils sont bénévoles) prendre le relais dans des créneaux, de plus en plus nombreux, où les paroissiens ne peuvent plus œuvrer efficacement.
C'est une conséquence de la professionnalisation des connaissances et techniques, qui touche tous les échelons de notre société, y compris le pasteur. Auparavant homme-orchestre de la paroisse, il a perdu petit à petit bien des prérogatives pour devenir un employé paroissial, et le conseil presbytéral prestataire de services ! Certes, cela ne se fait pas sans malaise, sans tension, sans chambardement.
Aussi, les questions mal posées et les décisions éludées seront de plus en difficiles à prendre plus tard, d’autant que le temps aggrave les difficultés, mais aussi parce que l’inaction, tout comme l’inertie, discrédite toute la structure. Moins elle agit aujourd’hui et moins elle aura les moyens humains et financiers d’agir demain. Ceux qui resteront ne seront pas des « protestants » (ou des frondeurs), mais ceux qui se contenteront de l’Eglise qu’on leur propose.

Christian de Mittelwihr est directeur de recherches au CNRS.

 

 Publication reproduite avec l'accord exprès de la Rédaction de Réforme 

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