Numéro 3017 (6-12 février 2003) de

Tribune libre

S’attaquer à la pauvreté

 

Christian de
MITTELWIHR

 

 

 

 

 

 

© Réforme


Les dimensions de la pauvreté sont multiples, tels que la privation de biens fondamentaux (éducation, santé, nutrition), le dénuement matériel, la malnutrition, les maladies, la vulnérabilité, la marginalisation... Pour attaquer la pauvreté, il faut avoir une vision globale de toutes ces dimensions et mener une action à long terme.
La complexité de la notion de pauvreté met en évidence la précarité de nombre de personnes qui évoluent entre des états « pauvres » et « riches » au cours des différents moments de leur vie. Il faut donc opérer une distinction entre pauvreté chronique et pauvreté transitoire.
Notre monde change et nous feignons de ne pas le voir, notamment celui du travail polarisant à une extrémité sur des emplois spécialisés, pour une élite de « techniciens », à l’autre une masse grandissante de travailleurs flexibles semi-qualifiés, et une baisse progressive du nombre d’emplois stables pour les travailleurs non qualifiés. Aussi, des stratégies individuelles, familiales, collectives doivent être mises en œuvre pour atténuer ces effets. Encore faut-il que dilemmes, conflits, oppositions d’intérêts pouvant surgir puissent être arbitrés et résolus. Un point trop souvent sous-estimé est l’inégalité devant l’éducation, qui représente une contrainte majeure dans les possibilités de mobilité sociale. Le verset des Proverbes prend ici une nouvelle acuité « La pauvreté et la honte arrivent à qui rejette l'instruction, mais celui qui a égard à la répréhension sera honoré. » (Pr 13,18)

« Faire de l’équité sociale une valeur fondamentale »

Exclusion sociale, chômage et sous-emploi structurel, tout comme la dérégulation progressive du marché du travail et le développement d’emplois précaires, sont devenus des problèmes mondiaux. Ces processus affectent toutes les sociétés mais sous des formes différentes et à des degrés divers de gravité. En conséquence, une véritable politique de la réduction de la pauvreté conduit à remettre en cause la distribution des richesses à tous les niveaux. Il devient indispensable de prôner une politique de transferts des ressources, pas seulement monétaires, vers les pauvres. D’autant qu’il n’y a pas de relation inévitable entre inégalités et croissance. Les pays riches auront bien plus de facilité à adapter leur développement et à faire de l’équité sociale une valeur fondamentale. Le citoyen, pour pouvoir faire face à ces choix qui dépassent largement son petit bien-être personnel et mettre en œuvre les stratégies nécessaires, doit d’abord être convaincu de sa responsabilité « personnelle » et devenir un militant qui ne la délègue plus à la commune, au département, à la région, à l’Etat et l’Europe, pour d’ailleurs mieux critiquer les décisions prises.

Christian de Mittelwihr est directeur de recherches au CNRS.

 

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 Publication reproduite avec l'accord exprès de la Rédaction de Réforme