Numéro 2995 (5-11 septembre 2002) de

Tribune libre

L’impossible développement

Christian de
MITTELWIHR

 

 

 

 

 

 

© Réforme

Contribution au débat suscité par le Sommet de la Terre de Johannesbourg


Le « sustainable development » a été malencontreusement traduit en français par « développement durable » au lieu de « développement viable » - car « sustainable » a un rapport à la vie – alors que la traduction française est une approche par la mort par la transmission de l’héritage du père aux enfants. Les Français y ajoutent que les pouvoir publics et privés doivent ou devraient gérer les activités en bons pères de famille... sans laisser la parole aux enfants, car les pères sont pour le maintien des acquis antérieurs ce qui referme le développement sur lui-même et la décision est isolée des faits réels.
Aujourd’hui il n’est pas possible de proposer quelques versets de la Bible comme base de réflexion sur le développement quand quelques autres ont été utilisés durant des siècles, voire des millénaires, pour aboutir à la situation actuelle de l’humanité, y compris la mondialisation. La difficulté des Eglises est de se préoccuper de problèmes pour lesquels elles n’ont pas été préparées, pour lesquels rien dans leurs théologies ne leur permet d’intervenir pour pouvoir envisager un futur, alors que l’usage biblique a conduit à la situation actuelle.
Seule une remise en place historique des récits bibliques et leur réactualisation donneront aux Eglises une dimension progressiste et une projection dans le futur avec la nécessaire fin du concept de la dominance d’une seule espèce, l’espèce Homo sapiens. Cet anthropocentrisme, sur lequel sont fondées les trois religions monothéistes que sont le judaïsme, le christianisme et l’islam, condamne aujourd’hui cette même espèce.
Avec l’explosion démographique liée à un développement socio-économique anarchique, les phénomènes environnementaux ont une complexité que les citoyens découvrent subitement avec impuissance et peur face aux perspectives incertaines de l’avenir. Il n’y a aucune place pour une autorité ou un pouvoir ecclésial de prôner un devoir d’obéissance. Même le coup de projecteur sur la « sauvegarde de la création » fut un arbitraire qui laissa place aux intérêts et aux fantasmes de ceux qui l’ont manié. L’Ecologie (la science) marque une frontière nette entre Science et Théologie et le « silence » de la Bible laisse toute la place à cette science qui énonce dans ses conclusions des lois de la nature, dont certaines sont contraires aux dogmes religieux.
Pour la première fois, l’homme actuel est seul face à son destin, non plus comme fils du Père, mais comme père pour ses fils, et il s’aperçoit enfin que Dieu l’a chassé de l’Eden.

Christian de Mittelwihr est directeur de recherches au CNRS.

 Publication reproduite avec l'accord exprès de la Rédaction de Réforme 

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