|
Nos gestes de générosité et de
solidarité ne devraient plus nous dispenser d’une interrogation
sur leurs conséquences. Les associations à caractère
biomédical, telles l'AFM, collectent chaque année 2 milliards de
francs, une somme qu'il faut comparer aux crédits alloués par
l'Etat aux laboratoires publics dans lesquels, d’ailleurs, l'essentiel
des recherches demandées par ces associations est effectué :
600 millions de francs pour l'ensemble des recherches de l'INSERM (Institut
National pour la Santé et la Recherche Médicale) et 300 millions
de francs pour le département des Sciences de la Vie du CNRS.
Aussi, les dons représentent plus qu'un
simple soutien à des recherches publiques, car ils induisent un
déplacement des orientations scientifiques, provoquant des
déséquilibres et des dysfonctionnements avec des
conséquences directes sur notre santé. En effet, les associations
alimentées par des dons publics sont devenues de réels donneurs
d'ordre, finissant par obérer d'autres voies de recherche, avec une
diminution de l'effort de recherche de l'Etat. En conséquence, une
politique nationale de développement scientifique est devenue de plus en
plus difficile à cause des sommes colossales injectées dans les
laboratoires publics par ces associations, produisant un effet contraire
à celui souhaité, d’autant que les orientations
scientifiques mises en jeu dépassent de très loin le cadre de ces
associations et que les résultats scientifiques ne sont jamais
proportionnels aux crédits attribués aux laboratoires.
En l'absence d'évaluation, selon des critères reconnus
internationalement, par la communauté scientifique des programmes de
recherches induites par les associations biomédicales, il est difficile
de discuter des incertitudes, des possibilités de résultats
probants et des délais nécessaires. Rien n'empêche de
penser qu'au travers du spectaculaire et de l'émotif, les apports
possibles de la recherche scientifique ont été surestimés.
On en oublie aussi qu’une fois les connaissances acquises, il faut
surmonter les difficultés de leur mise en oeuvre, avec les risques
d’eugénisme, de discrimination et de manipulation
génétique, et de clonage.
Face au tintamarre du Téléthon avec la médiatisation
de certains axes de recherche, dont il n'est nullement question de discuter ici
l'intérêt, il faut aussi nous interroger sur les moyens, souvent
trop modestes, dont disposent beaucoup d'autres laboratoires, menant des
recherches à finalité mondiale. A quand des « téléthons »
pour les recherches concernant le quotidien, les comportements
sociétaux, l’avenir de l’humanité ? Cela ne peut
se régler par un simple chèque une fois par an, car ces
recherches impliquent directement le comportement citoyen de chacun, et
cette contrainte personne n’est encore prêt à
l’assumer... Malgré la chute de deux tours, la vie redevient comme
avant !
Christian de
MITTELWIHR
(Directeur de
Recherches au CNRS)
dans " Réforme " ... mon article suivant ou article précédent
|