Numéro 2949 (18-24 octobre 2001)

Forum

A chaque son Dieu... et son Satan!

Christian de
MITTELWIHR

 

 

 

 

 

 

© Réforme

La religion sert souvent à justifier des politiques de guerre.


À se demander si, à peine entrer dans le troisième millénaire, le monothéisme ne s’est pas écroulé en même temps que les tours du « World Trade Center ». En effet, qui va encore croire que le Jéhovah des juifs qui méconnaissent les dix commandements avec loi du talion en Palestine puisse aussi être le Dieu des chrétiens qui ont mené et vont mener croisade contre les musulmans qui eux-même prêchent la guerre sainte contre les chrétiens et les juifs ? Ne sera-t-il pas difficile à « Jéhovah-Dieu-Allah » de reconnaître les siens ?

Malgré une mise en garde contre la simplification et le manichéisme, et aussi contre un amalgame entre islam, islamisme et terrorisme, les trois courants monothéistes prêchent le Bien contre le Mal, un des fondements de ces religions. Ces dernières s’en sont servies d’une façon ou d’une autre pour combattre au nom de Jéhovah, de Dieu ou d’Allah d’autres croyants en les satanisant. « Justice immuable » risque d’être le fruit d’une analyse simpliste opposant Occident et Orient, civilisation et barbarie, lumières et obscurantisme. Cela serait une analyse dangereuse, absurde et malhonnête, avec un total oubli des dix commandements.

Un God bless USA, comme, au siècle dernier, le Gott mit uns (Dieu avec nous) ?

La religion sert souvent de bonne cause et de ralliement aux politiques va-t-en-guerre, mais à y regarder d’un peu plus près ce n’est pas la religion elle-même, mais l’histoire et la culture des peuples, imprégnées par les luttes parfois centenaires, comme en Irlande, dans l’ancienne Yougoslavie, l’ex-URSS, en Palestine, en Afrique, en Asie... L’affrontement social et économique traduit le fossé qui va augmentant entre les différents pays et leurs cultures induites par leurs appartenances religieuses ancestrales. Que faire quand l’émotion et la radicalisation accrue des p ositions remplacent l’analyse et la réflexion ? Face aux graves déséquilibres économiques et sociaux, comment réellement apporter une « justice immuable », sinon en essayant de comprendre et d’interpréter l’actualité ? Faire un bilan et une remise en question de l’ordre mondial, en tout cas ne plus s’agenouiller devant le Veau mondialisé et l’Argent. Nul n’y échappera.

Christian de Mittelwihr est directeur de recherches au CNRS.

dans " Réforme " ... mon  article suivant ou article précédent

 Publication reproduite avec l'accord exprès de la Rédaction de Réforme