Echanges, n° 240 (février 2000), p. 12
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« Soyez féconds et dominez-la terre ! » Les récentes catastrophes naturelles sont-elles une fatalité ou l’homme y a-t-il une part de responsabilité ? Une certaine interprétation de la Bible n’a-t-elle pas favorisé le pillage de la nature ?
Depuis quelques semaines, quelques mois, les médias, surtout la télévision, nous abreuvent de reportages sur des phénomènes catastrophiques aux quatre coins du monde. Mais nous parle-t-on des causes de ces événements ? En l'absence d'explication rationnelle, certains tentent de trouver une solution dans des livres de prétendus devins, tel Nostradamus ; d’autres se plongent dans l'Apocalypse de Jean pour déduire de tel ou tel phénomène la prochaine venue du Messie. En fait, les religions bibliques, judaïque, islamiques et chrétiennes, ont toujours eu des rapports confus, voire contradictoires, avec la nature, dès le verset 28 du chapitre 1 de la Genèse Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l'assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre. C’est comme si les hommes refusaient d’envisager que l'Univers obéisse à des lois (divines pour les croyants !) et que celles-ci s'appliquent à tout et à tous, en commençant par l'homme lui-même. Y déroger entraîne des conséquences que l'homme veut de moins en moins accepter dans sa quête du risque zéro.
Vous avez dit « naturel » ?
On peut ainsi brièvement distinguer deux grands types d'événements qui agressent l'homme et qui sont souvent catastrophiques pour lui-même. Ceux du premier type sont directement régis par « les lois de la nature », comme, par exemple, les tremblements de terre ou les éruptions volcaniques, de simples manifestations de la tectonique des plaques, ou encore les cyclones, tempêtes et vents forts liés aux masses d'air, parfois en synergie positive avec la Lune ou enfin les grandes épidémies en réponse à une pression écologique. Ceux du deuxième type ont pour responsable direct l'homme lui-même, aggravant souvent des phénomènes naturels en les rendant catastrophiques, comme récemment les glissements de terrains au Venezuela, les inondations en France, et la dernière marée noire dont l'aspect catastrophique est exclusivement économique. Selon les écologues, ce deuxième type est marqué par deux phénomènes fondamentaux qui s’amplifient et se conjuguent : - une croissance démographique, incontrôlée depuis le XIXe siècle (2,5 millions d’années pour atteindre en 1960 un effectif de 3 milliards d’hommes, 40 ans de plus ont suffi pour atteindre le double, 6 milliards !) ; - un développement technologique qui gaspille de plus en plus les ressources naturelles et accroît la pollution. Ce dernier facteur est tout aussi anarchique et incontrôlé que le précédent. Parmi d'autres catastrophes du deuxième type, on peut citer la pénurie en eau, la déforestation, la désertification, l'érosion de la terre arable, la famine, les pollutions globales - air, sols, eaux -, la destruction de la biodiversité... Difficile de faire un classement par ordre d'apparition et par ordre d'importance, cela dépend du degré de responsabilité et de prise de conscience de l'Homo sapiens sapiens. Néanmoins, tous ces phénomènes ont déjà atteint un niveau catastrophique dans des dizaines de pays du tiers-monde. En aucune façon, l'espèce humaine ne peut s'arroger le droit de se multiplier, ni d'assujettir la terre, en faisant disparaître à jamais de nombreux écosystèmes et des millions d'espèces vivantes, fruits de plusieurs milliards d'années d'évolution. La Science donne ici les limites de la Théologie et la met face à la nature. Ce face-à-face ne peut qu'être basé sur des expertises scientifiques écologiques et devra aussi répondre à la question : comment faut-il appréhender l'anthropocentrisme exacerbé dans la culture judéo-chrétienne, face aux défis de la survie humaine ?
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