Bulletin trimestriel de l'Association de Défense des Intérêts du 7e Arrondissement,
n° 14 (janvier 2007), p. 4.
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De l'écologie marine dans les études environnementales urbaines... |
Toucher au littoral terrestre, le modifier, entraîne toujours des effets plus ou moins importants dans le domaine marin. Même si notre connaissance du transfert des effets terrestres dans le milieu marin reste limitée, certains projets avaient déjà été dénoncés en leur temps par les scientifiques, mais sans convaincre les décideurs, comme la création du port de Pointe-Rouge et surtout l'orientation de sa digue qui allait modifier entièrement les courants dans la rade sud, ou les plages du Prado dont les effets néfastes continuent aujourd'hui encore à se manifester. De telles altérations des paysages côtiers sont toujours plus dommageables pour le milieu marin que terrestre : en effet, ce dernier n'est touché que sur quelques centaines de mètres, en longueur comme en profondeur, alors que le domaine marin est affecté sur des milles nautiques (des kilomètres !), par exemple toute la rade sud ou toute la rade nord. Les conséquences des aménagements littoraux terrestres ne touchent que l'environnement urbain immédiat et leurs riverains, tandis que dans le milieu marin elles sont souvent invisibles et se prolongent sur des années, voire des dizaines d'années. Pire, des changements littoraux urbains étalés dans le temps, comme la construction par étapes des plages du Prado entraînent perturbations sur perturbations avec des effets cumulés pouvant devenir catastrophiques. C’est dire qu’il y a encore ségrégation entre le développement du domaine terrestre urbain et celui du domaine marin urbain. Mais, de plus en plus de scientifiques écologues mettent en exergue dans leurs travaux de recherche la nécessité de traiter ensemble les deux domaines, et en demandent l’application aux décideurs. Parce que nous connaissons très mal les interactions écologiques au sein d’un milieu marin en zone urbaine, un indispensable effort de recherche sur les environnements marins urbains devra être la première étape afin de combler nos lacunes sur la connaissance du fonctionnement des mécanismes de biodiversité écosystème - cycles biogéochimiques. Ensuite seulement, le développement d'une discipline moderne de l’environnement urbain regroupant les domaines terrestres et marins sera possible. Ce sont des recherches qui furent développées par notre voisine la Station Marine d’Endoume avant que des thématiques émergentes en biologie et le départ à la retraite des spécialistes ne les mettent à la trappe. Elles étaient alors internationalement connues par ce qui était nommé l’« Ecole d’Endoume », sous l’impulsion du Prof. J. M. Pérès. En ce qui concerne le milieu marin urbain de Marseille (la rade, l’archipel de Riou et les calanques de Cassis), il n’est guère possible d’y appliquer les connaissances acquises dans des environnements marins moins soumis à des influences humaines on peut même se poser légitimement la même question pour les îles d’Hyères (Porquerolles, Port-Cros). Plus le milieu littoral terrestre se développera, plus le domaine marin s’urbanisera, plus l’ensemble sera à considérer comme espace urbain. Nous ne savons pas encore comment gérer un milieu marin urbain. En tout cas, il ne peut être traité comme une zone « naturelle » à préserver, car cela est une absurdité dans un contexte urbain, autant demander que les parcs terrestres et autres espaces verts phocéens soient des zones vierges à biodiversité “naturelle”. Nul ne l’a revendiqué pour le parc du 26e centenaire et personne ne saurait comment faire. Le domaine marin littoral d’une grande ville, comme Marseille, ne peut, ne doit être traité distinctement du milieu terrestre. Et à ce titre, les habitants du 7e arrondissement sont directement confrontés aux études et aux décisions terre-mer, car le 7e est le seul à disposer (encore) d’une côte relativement “vierge” (du Vieux-Port au Roucas-Blanc englobant les îles du Frioul et des îlots d’Endoume), mais qui nous interroge sur son devenir ? Notre association a au moins autant de légitimité d’y répondre que tout autre association, y compris celle nommée Office de la Mer. Le développement du domaine marin urbain, comme la municipalité centrale et la Marseille Provence Métropole (MPM) le préconisent, doit se faire en même temps avec le milieu terrestre littoral concerné. Or, nous devons prévoir le futur avec un possible doublement de la population dans les 30 ans à venir. Que vaudront alors les 6000 places à flot des ports marseillais (il en faudrait déjà 12 000 pour satisfaire la demande !), la même question que pour les voitures. Militer pour des ancrages fixes dans certaines criques trop fréquentées est déjà un horrible exemple de cette urbanisation marine à venir : si vous n’y trouvez pas de place de « parking » c’est-à-dire une bouée libre pour vous amarrer, retour au garage - le port - et prenez votre voiture et la navette du Frioul ! Parkings terrestres payants et demain parkings marins payants. Y aura-t-il là aussi une carte d’abonnement pour les riverains ? Il faudra aussi envisager un écran dans les ports pour connaître le nombre de places disponibles dans ces criques-parking. La conservation de la biodiversité, un généreux cheval de bataille des écologistes, concerne rarement l’environnement urbain terrestre… sauf pour les chiens, les chats, les étourneaux ou encore les gabians (des centaines de milliers dans la région marseillaise, protégés, car l’espèce est menacée d’extinction) ! Actuellement, avec les décisions prises et les choix en cours, nous condamnons nos petits-enfants à vivre dans des parcs terrestres et des réserves marines. Il ne restera aux grands-parents qui furent des navigateurs libres de leur route et libres de jeter l’ancre qu’à décliner qu’en leur temps, on disait…
L'archipel de Riou, Ile Maire et le massif de Marseillveyre
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